lundi 21 juillet 2008

Ciné Droit Libre...




Nous sommes le 2 juillet 2008 au Burkina Faso en l’Afrique de l’Ouest, au cœur la capitale ouagalaise, bien connue pour le Festival Panafricain du Cinéma et de la Télévision de Ouagadougou (Fespaco).

Cette semaine à l’affiche, Ciné Droit Libre, un festival qui offre une scène aux films engagés pour la cause des droits de l’homme et de la liberté d’expression, avec la projection de plus de 25 films ou documentaires en présence d’un réalisateur, d’un journaliste ou d’un militant pour débattre des vraies questions, celles mêmes qui devraient bénéficier d’une audience particulière auprès de ceux qui croient gouverner le Monde…

Festival engagé et original, qui pour sa quatrième édition, se consacre plus spécialement sur la liberté d’expression à travers différentes activités, à travers des mots simples et compréhensibles, tel que l’éditorial du festival le présente : « Liberté d’exercer son métier, liberté pour les journalistes en prison, liberté pour les défenseurs des droits humains, liberté de dire ce que l’on pense, ect. Combien d’espaces de liberté a-t-on perdu ces derniers temps après avoir les acquis à coup de luttes, de morts, d’assassinats, de prisonniers ?

La tenue de Ciné Droit Libre est en soit un acquis, la promotion d’un nouvel espace de liberté d’expression, une liberté de diffusion, une liberté de militer, une liberté de s’engager en faveur de nos droits. Personne d’autre ne pourra mieux défendre nos droits que nous-mêmes. Afin que le monde tourne plus beau, plus droit et plus libre, vibrez aux rythmes des films engagés et chocs, des films inédits suivis de débats animés par des invité de marques. »

Ciné Droit Libre, c’est le témoignage d’Hommes et de Femmes qui se battent au quotidien pour que les Droits de l’Homme soient respectés. Parmi eux, des Hommes déterminés dans la lutte contre l’impunité avec la présence entre autres de Clément Abaifouta, président de l’Association des victimes des crimes et répressions politiques au Tchad, qui emprisonné quelques années par le régime de Hissène Habré, fut obligé par ses bourreaux d’enterrer plusieurs milliers de victimes… http://archive.amnesty.org/library/Index/FRAAFR010012006?open&of=FRA-2AF

Ciné Droit Libre, c’est l’hommage à des journalistes, qui au prix de leur déontologie, prennent des risques, parfois aux fins tragiques, pour défendre la liberté d’expression, comme l’illustre cette matinée spéciale « Liberté pour Moussa Kaka », journaliste Nigérien et correspondant de RFI, détenu au Niger depuis le 19 septembre 2007, au prétexte de « complicité d'atteinte à l'autorité de l'Etat » pour ses contacts avec les rebelles touaregs, pourtant réalisés dans le strict cadre de son métier… http://www.rfi.fr/actufr/pages/001/page_280.asp

Ciné Droit Libre, c’est aussi un autre hommage, celui des femmes déterminées qui soutiennent leur mari journaliste, au risque de les perdre… Suite la projection du film « Guy-André Kieffer, un journaliste qui dérangeait », journaliste franco-canadien, disparu depuis le 16 avril 2004 à Abidjan, le témoignage Osange Silou Kieffer, sa femme, qui raconte avec émotion sa vie, le soutien qu’elle a porté à son mari, qui a risqué sa vie pour lutter contre les injustices. En effet, affirme un témoin, « le sort de Guy-André Kieffer était scellé un an avant sa disparition lorsqu’il a dévoilé le secret d’un troc d’armes contre le cacao », complot international qui touche de près le régime de Laurent Gbagbo dans une « ambiance de Françafrique ». Le combat Osange Silou Kieffer, c’est le combat d’une femme, qui se bat pour que la vérité soit dite sur la disparition de son mari journaliste, qui attend que les autorités françaises exigent du gouvernement ivoirien des réponses à cette disparition, et bien au-delà, qui espère humblement que les relations de la France avec les pays africains soient plus harmonieuses… http://www.guyandrekieffer.org

Ciné Droit Libre, c’est aussi de la Musique pour la défense des droits humains et la création d’espace de liberté. Entre cinéma militant et musique engagée, le combat des artistes musiciens, qui par leurs mots, leur flow et leurs rimes, dénoncent les inégalités et clachent le pouvoir corrompu ! Complicité fusionnelle entre musique et cinéma à travers « Suffering and smiling », film sur Fémi Kuti, qui poursuit l’héritage de son père Féla Kuti, créateur de l’Afrobeat à la fin des années 60, cette musique issue de rythmes traditionnels yoruba, fortement imprégnée de funk, dansante et populaire, déclamant des textes engagés et satiriques. Plusieurs fois jeté en prison et torturé, Fela Kuti ne baissera pas la tête devant le pouvoir militaire au Nigéria pour défendre « le petit peuple des ghettos », celui là même qui regarde avec tristesse les grandes entreprises pétrolières internationales piller avec ignorance et pollution les ressources naturelles de son pays avec la bénédiction du gouvernement nigérian… http://www.afrik.com/article7809.html

Ciné Droit Libre avec son espace militant dédié à la musique, c’est aussi un concert débat avec Sam’s K le Jah, artiste burkinabé et homme de médias engagé, qui rend hommage à Peter Tosh à travers le film « Stepping Razor red X » qui retrace la vie de Tosh, assassiné pour son engagement à combattre le système d’oppression installé en Jamaïque. Sam’s K Le Jah reprend alors en concert les chansons de Peter Tosh, traduites en français, avec un ton plus que militant à l’Atelier Théâtre Burkinabé, une des rares scènes à Ouagadougou où il peut se produire pour dénoncer l’impunité et la corruption des « grands » hommes du pays… http://www.samsklejah.com

Ciné Droit Libre, c’est aussi un encouragement aux jeunes cinéastes et journalistes désireux de réaliser des films sur la réalité des droits humains et la liberté d’expression sur le continent africain, à travers un concours original décernant un prix de 2, 5 millions de FCFA au meilleur projet de film (documentaire ou de fiction) pour sa réalisation. Lauréat de l’édition 2007, « Le recueillement » de Aziz Nikiéma, documentaire burkinabé qui dresse le portrait des femmes en noirs, qui se recueillent chaque premier dimanche du mois sur la tombe de Norbert Zongo, pour clamer vérité et justice de ce journaliste burkinabé assassiné mais aussi pour d’autres crimes impunis... http://www.rsf.org/article.php3?id_article=727

Nous sommes le 6 juillet 2008, le Festival Ciné Droit Libre prend fin au pays des Hommes Intègres, au cœur de la capitale sankarienne. « Sankara, l’homme intègre » de Robin Shuffield, le Che africain qui a bousculé l’Afrique et les africains avec ses idées novatrices, son franc parler, son humour, sa fougue et son altruisme. Thomas Sankara, jeune chef d’état africain assassiné en 1987, pour avoir été trop vite et trop loin dans sa volonté de changement, tant au Burkina que sur le plan international, en prônant l’auto-suffisance alimentaire, l’éducation et la santé pour tous, en dénonçant le néo-colonialisme ambiant et la corruption des chefs d’état africains, en refusant l’ordre des grandes organisations internationales, en défendant des idées avant-garde dites telles que la reconnaissance des femmes et de leurs droits dans une société gouvernée par les hommes… http://www.sankara20ans.net/

Et pour conclure Ciné Droit Libre, les mots de Sam’s K Jah lors de son concert : « Ceux qui ont emprisonné Moussa Kaka sont plus prisonniers que Moussa Kaka ». « Ceux qui ont assassiné Sankara sont morts et Sankara est vivant !»

Pour que la défense des Droits de l’Homme et de la Liberté d’Expression ne soit pas vaine…

Un Festival riche pour un article limité, toutes l’info sur les films et les invités: http://festivalcinedroitlibre.blogspot.com/

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