Si vous aimez la Guadeloupe, « Tu, C’est l’Enfance » vous donnera à voir la Guadeloupe en poésie…
« Autrefois terre de Sacrifice et d’Amertume, maintenant notre Guadeloupe est la terre d’Excellence et de Beauté, l’île Emeraude. Elle s’est faite bonne à ses enfants et charmeuse à l’étranger, et elle exprime la vie nouvelle, naissant au soleil d’or et à la crête des vagues bleues (Citation de La Guadeloupe dans l’Histoire) ». « Tu étais d’accord pour le soleil d’or, mais pas pour les vagues bleues. Surtout tu ne comprenais pas ce mot que tu prononçais mal : l’île-de-meraude. Tu as demandé le sens à ta mère qui cousait à tes côtés : une pierre précieuse verte comme la mer, fut sa réponse. Devant ta perplexité, elle écrivit E-M-E-R-A-U-D-E sur une feuille de papier et fit apparaître en jouant avec les lettres les mots EAU DE MER. L’émerveillement de découvrir ton premier anagramme se mêlait au désappointement du choix d’un nom pareil qui semblait noyer ton île sous des vagues ennemies. Pour finir vous avez décidé de l’appeler de son nom caraïbe : Karukéra, l’île-aux-belles-eaux, et ta mère joua à te montrer les sens que pouvait nous cacher ce mot, Ka : notre tambour-ka, Ru : un vieux mot pour la rivière, Ké : l’auxiliaire du futur en créole, et Ra : le dieu-soleil égyptien »
Si vous aimez les éléments, « Tu, C’est l’Enfance » vous voyagera entre le feu, la terre, l’eau et l’air : « Un tremblement de terre, en 1897, et un incendie, en 1899, ont jeté de nouveau Pointe-à-Pitre dans la désolation. La même année, un cyclone a ravagé la Grande-Terre. Heureusement que, pleine d’énergie et de vitalité, la Guadeloupe a toujours surmonté ses malheurs. Elle a le fanatisme de l’espérance. Elle peut faire sienne la fière devise de Paris : Fluctuat nec mergitur (Citation de La Guadeloupe, Leçons d’histoire locale) ».
Si vous aimez l’Espérance, « Tu, C’est l’Enfance » vous donnera envie de croire que l’Histoire peut avancer sans sombrer dans le fatalisme…
« De l’Histoire locale en image, tu avais retenu que depuis quatre siècles, dans la traversée du déluge caraïbe, la mort n’avait jamais vaincu l’espérance, mille fois blessée, toujours rescapée, colportée à bras d’hommes et de femmes nus arrachés à leur passé, portée par le seul avenir après le deuil des origines, élisant des ancêtres inédits pour relayer les ancêtres assassinés, greffant des descendances sur les nouveaux hôtes de l’enfer, enracinant des déportés comme héritiers de la terre d’immigration. Comme la reine Anacaona d’Ayti, à la veille d’être immolée sur le bûcher des conquistadors espagnols, avait transmis en secret à un petit esclave nègre la racine de son peuple à replanter, désignant par ce geste les Africains déportés pour assurer la descendance des Amérindiens exterminés ».
« Grand Père te parlait quelque fois de l’Afrique […] : l’Afrique, c’est notre mère, te disait-il, on ne peut pas retourner dans son ventre, nous sommes les enfants de ce mariage forcé avec son assassin, l’océan pirate. L’espoir ne s’est pas noyé dans des rêves de là-bas, mais il s’est enraciné ici-dans ».
Si vous aimez la Tolérance, « Tu, C’est l’Enfance » vous donnera les mots pour l’expliquer à vos enfants…
« Avant l’arrivée des hommes et de leur soif de sel et de sucre, le monde manquait d’ordre, mais pas de liberté. Les histoires d’Afrique et d’Amérique contées par grand-mère et Man Teté ou celles que te lisaient tes parents disaient toute la même chose avec des variations. Les dieux avaient parfaitement tout imaginé : au commencement tout était vert, il n’y avait ni enfer ni paradis, les poissons buvaient dans les fleurs, les oiseaux faisaient leur nid sur la crête des vagues, l’éléphant épousait la fourmi, l’eau remontait visiter ses sources. Pour l’invention des hommes, les dieux avaient dû s’y reprendre et ils ne disposaient pas de la bonne matière pour créer des êtres à la fois verticaux et horizontaux : la glaise sans mémoire fondait dans l’eau, le cœur du bois était trop dur, la pierre se figeait au squelette, le silex blessait l’âme. Les plumes, les écailles et les fourrures des animaux (dragons, lézards, lamantins, serpents à plumes, chauves-souris) auraient trop recouvert les nuances de cette race nouvelle ; or ta mère t’avais appris que les quatre couleurs de la peau : rouge, jaune, noir, blanc, sont nécessaires pour déguiser les corps et montrer qu’aucun homme n’est créé parfait, et que l’égalité des êtres est cachée sous la chair ».
« Tu, C’est l’Enfance » est un livre magnifique sur la Guadeloupe racontée aux rythmes des souvenirs d’un enfant. On y retrouve une Guadeloupe que l’on connaît pour sa fragilité et qu’on redécouvre pour ce qui fait sa beauté, son respect et son espérance. Ce livre, qui plus est, fait référence à une multitude de livres sur la Guadeloupe, ou non, qui alimentent les souvenirs de cet enfant avide de découvertes et de connaissances.
Face à une Guadeloupe incomprise, le regard de l’enfant nous donnera à regarder la Guadeloupe avec un œil plus clément…
Face à une Guadeloupe aimante et aimée, ce livre nous bercera de nostalgie pour une Guadeloupe que l’on aime à regarder…
« Tu, C’est l’Enfance » de Daniel Maximin aux Editions Gallimard, Haute Enfance. Prix Tropiques de l'Agence Française de Développement 2005
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